Je crois que je vais écrire un article
à propos du Tour de Van Impe, celui de 1976, celui de la canicule au
bout duquel on vit Poupou de nouveau sur le podium.
Le Tour de Van Impe, un mythe, un
montagne, un grimpeur.
Et Poupou, quarante ans passés faisait
troisième à mes yeux émerveillés de petit garçon criant "vas-y
Poupou !"
Poulidor à la façon des disques
Polidor, enchaînait les plateaux et les pignons dépeints par les
journalistes d'alors.
On était dans le temps d'avant les
supercheries, dans le temps d'Homère et des légendes, un temps naïf
et béni, le temps de Raymond Poulidor.
Et ce temps se mêlait mal, en
vinaigrette assumée, se mêlait mal à celui du sport-spectacle et
de l'argent facile.
Avec Raymond Poulidor, on a perdu le
dernier représentant du vrai sport, à savoir en fait de l'esprit
sportif.
Il était un temps fondateur où la
défaite était fascinante, où l'effort était primordial et le
sacrifice honoré. Nous avons oublié de la guerre au sujet du sport,
un peu de son simulacre dont nous causait justement Montherlant.
Mais la guerre de Poupou, c'était
celle de la Chevalerie, la joute héroïque, ordalique, et dont il
sortait fier autant triomphant que vaincu.
Lucien Van Impe a remporté le Tour en
1976, un Tour offert à l'un des plus beaux grimpeurs de l'histoire
de la petite reine, et Raymond Poulidor acheva sa carrière en étant
sur la troisième marche de ce podium, pour sa dernière course.
Il va falloir que j'écrive un article
à propos du Tour de Van Impe... Et pourtant, de ce Tour
extraordinaire, on a tendance à ne retenir en vrai que Poulidor ! À
quarante ans, troisième ! Allez Poupou !
Parler du Tour de Van Impe est
illusoire, imbibé qu'il est de Poulidor. En France — étrange
entité littéraire étatique — on triomphe en perdant, Guerre et
Paix, la Berezina nous sanctifie mieux que le Jourdain.
La légende de la Grande armée s'est
bien plus construite sur la terrible retraite de Russie — j'en suis
un descendant — que sur Austerlitz.
Nous Français, vénérons curieusement
plus nos défaites que nos victoires : Azincourt, Waterloo, DIEN BIEN
PHÛ
Lorsqu'on regarde "La 317ème
section", tout cela se met en ordre et se caractérise :
Il y a de l'élégance à perdre avec
légèreté.
La France n'est pas un pays de
"winners" (là-dessus Macron a tout faux !)
La France est un pays de loosers
magnifiques — on adore être admirés — genre on fascine
absolument les autres qui nous trouvent complètement cons de perdre
alors qu'on devrait gagner — oui mais, avec le "panache",
héritage inéluctablement indécrotable ancré sur notre Cyrano
national.
Et Cyrano (putain de génie de Rostand
!), ben c'est juste nous, fille ou garçon, nous sommes inséminés
par son long nez.
Pendant ce temps, Van Impe emporta le
Tour en 1976, et je devrais le raconter.