samedi 14 décembre 2019

Le Tour de Van Impe

Je crois que je vais écrire un article à propos du Tour de Van Impe, celui de 1976, celui de la canicule au bout duquel on vit Poupou de nouveau sur le podium.
Le Tour de Van Impe, un mythe, un montagne, un grimpeur.
Et Poupou, quarante ans passés faisait troisième à mes yeux émerveillés de petit garçon criant "vas-y Poupou !"
Poulidor à la façon des disques Polidor, enchaînait les plateaux et les pignons dépeints par les journalistes d'alors.
On était dans le temps d'avant les supercheries, dans le temps d'Homère et des légendes, un temps naïf et béni, le temps de Raymond Poulidor.
Et ce temps se mêlait mal, en vinaigrette assumée, se mêlait mal à celui du sport-spectacle et de l'argent facile.
Avec Raymond Poulidor, on a perdu le dernier représentant du vrai sport, à savoir en fait de l'esprit sportif.
Il était un temps fondateur où la défaite était fascinante, où l'effort était primordial et le sacrifice honoré. Nous avons oublié de la guerre au sujet du sport, un peu de son simulacre dont nous causait justement Montherlant.
Mais la guerre de Poupou, c'était celle de la Chevalerie, la joute héroïque, ordalique, et dont il sortait fier autant triomphant que vaincu.
Lucien Van Impe a remporté le Tour en 1976, un Tour offert à l'un des plus beaux grimpeurs de l'histoire de la petite reine, et Raymond Poulidor acheva sa carrière en étant sur la troisième marche de ce podium, pour sa dernière course.
Il va falloir que j'écrive un article à propos du Tour de Van Impe... Et pourtant, de ce Tour extraordinaire, on a tendance à ne retenir en vrai que Poulidor ! À quarante ans, troisième ! Allez Poupou !
Parler du Tour de Van Impe est illusoire, imbibé qu'il est de Poulidor. En France — étrange entité littéraire étatique — on triomphe en perdant, Guerre et Paix, la Berezina nous sanctifie mieux que le Jourdain.
La légende de la Grande armée s'est bien plus construite sur la terrible retraite de Russie — j'en suis un descendant — que sur Austerlitz.
Nous Français, vénérons curieusement plus nos défaites que nos victoires : Azincourt, Waterloo, DIEN BIEN PHÛ
Lorsqu'on regarde "La 317ème section", tout cela se met en ordre et se caractérise :
Il y a de l'élégance à perdre avec légèreté.
La France n'est pas un pays de "winners" (là-dessus Macron a tout faux !)
La France est un pays de loosers magnifiques — on adore être admirés — genre on fascine absolument les autres qui nous trouvent complètement cons de perdre alors qu'on devrait gagner — oui mais, avec le "panache", héritage inéluctablement indécrotable ancré sur notre Cyrano national.
Et Cyrano (putain de génie de Rostand !), ben c'est juste nous, fille ou garçon, nous sommes inséminés par son long nez.

Pendant ce temps, Van Impe emporta le Tour en 1976, et je devrais le raconter.