dimanche 23 octobre 2011

HAKA




Pour rien au monde, je ne manquerais un Haka !
Le Haka, c'est cette danse traditionnelle Maori, de laquelle les joueurs de rugby néo-zélandais font invariablement précéder chacune de leurs prestations internationales. Vêtus généralement du costume d'un arbitre, All Blacks, on dit d'eux qu'ils portent le deuil de leur adversaire. Quant au Haka, il s'agit de bien autre chose que d'une simagrée folklorique au service d'une quelconque culture rugbystique.
Le Haka est une danse fondue dans un chant d'origine immémoriale. Les Maoris forment la population aborigène de cette île des antipodes. C'est un peuple fier et guerrier qui ne se laissa pas coloniser veulement.
La cérémonie du Haka servait autant à l'accueil pacifique du visiteur qu'à la diffusion d'un ultimatum belliqueux. Je dis "cérémonie", car il s'agit bel et bien d'une célébration durant laquelle une phalange humaine exécute de façon synchrone, une série de gestes rituels qu'elle accompagne à l'unisson d'un verbe martelé comme les membres propres de chaque individu de la communauté.
Un Haka permet à la fois la réunion dans la force qui prélude à l'effort d'un groupe (guerre, chasse, pêche, match), et la décharge d'adrénaline garantissant à chaque individu de garder la tête froide en toutes circonstances.
La culture Maori marque intensément le contraste des deux sexes dans ses chants : un Haka rythmé brutalement de voix graves masculines peut se recouvrir de véritables mélopées féminines. Souvenez-vous de la scène de fin du film "La leçon de Piano" de Jane Campion, lorsqu'ils embarquent le dit-piano sur la pirogue.
Jane Campion, réalisatrice néo-zélandaise su montrer dans ce film, outre la belle et terrible histoire d'amour, comment se construisit la nation de "la terre des nuages", Aotearoa, d'un épicé mélange entre autochtones et arrivants pour la plupart écossais.
Il existe évidemment plusieurs formes du Haka ; la plus connue (ci-dessus) se nomme le Ka mate, dont voici les paroles :


Ringa pakia !
Uma tiraha !
Turi whatia !
Hope whai ake !
Waewae takahia kia kino !
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora !
Ka mate ! Ka mate ! Ka ora !
Tenei te tangata puhuru huru
Nana nei i tiki mai, Whakawhiti te ra
A upane ! ka upane !
A upane ! ka upane !
Whiti te ra ! Hi !

(Tapez les mains contre les cuisses !
Soufflez !
Pliez les genoux !
Laissez la hanche suivre !
Tapez des pieds aussi fort que vous pouvez !
Je meurs ! je meurs ! je vis ! je vis !
Je meurs ! je meurs ! je vis ! je vis !
Voici l'homme poilu
Qui est allé chercher le soleil
Et l´a fait briller à nouveau !
Un pas ! Un autre pas !
Un pas ! Un autre pas !
Devant le soleil qui brille ! Hi !)

Il s'agit de celle qu'exécutaient exclusivement les rugbymen, jusqu'au triste jour sud-africain qui les virent couverts par d'irrespectueux chants locaux.
Lorsque l'équipe à la gazelle fit à son tour le voyage d'Auckland, une surprise en forme de réception toute particulière l'y attendait. Je vous laisse à ce stupéfiant spectacle :








Ce Haka se nomme le Kapa o Pango dont voici les paroles :


Kapa o pango kia whakawhenua au i ahau !
Hi aue, hi !
Ko Aotearoa e ngunguru nei
Hi Au,au,aue ha! Hi
Ko Kapa o Pango e ngunguru nei !
Hi Au,au,aue ha! Hi
I ahaha !
Ka tu te ihiihi
Ka tu te wanawana
Ki runga ki te rangi e tu iho nei,
Tu iho nei, hi !
Ponga ra !
Kapa o Pango, aue hi !
Ponga ra !
Kapa o Pango, aue hi, ha !

(Laissez-nous nous unir avec notre terre
C'est notre terre qui gronde
Nous sommes les All Blacks
Il est temps ! C'est mon moment !
Notre règne
Notre suprématie triompheront
Et nous atteindrons le sommet !
La fougère argentée !
All Blacks !
La fougère argentée !
All Blacks !)

On ne badine pas avec la Tradition lorsque l'on est un peuple, multicolore certes, mais issu de celle que se partagent allègrement les gènes des Highlands et de la Polynésie !
La façon dont Tana Umaga, leader de ce Haka - le Haka des All Blacks est toujours dirigé par un joueur ayant du sang Maori -, vit littéralement et exprime de tout son être la nature de la blessure, de l'humiliation infligée à sa culture, la manière dont les quinze, après avoir posé UN genou et le poing à terre, sur LEUR TERRE, avancent de concert vers leurs adversaires, d'abord en se frappant le torse et les cuisses, puis - quelle frayeur ! - les deux bras tendus à plat, tel un banc de squales pointant leurs nez sur leurs proies, pour finir par ce geste si multi-culturellement explicite d'un pouce traversant la gorge, tout cela est proprement stupéfiant.
Ce dernier geste leur fut aussi reproché, par trop guerrier, mais le Haka n'est pas la guerre. Il faut chercher à le comprendre. Il peut précéder la guerre, mais beaucoup d'autres choses aussi, comme un sport pratiqué dans les règles et l'équité, sans jamais perdre le respect. Car telle est la leçon du Haka : inspirer le respect, et montrer son respect.
Ainsi qu'il l'est évoqué dans le magnifique et froidement lucide film de Lee Tamahori, "L'âme des guerriers", le Haka sert aussi à inculquer une disciplines aux jeunes délinquants Maori et métisses, dans le cadre de programmes de réinsertion socio-professionnelle. Tout n'est pas rose en Nouvelle-Zélande et cette oeuvre le montre bien, mais le Haka s'y pratique en mémoire des ancêtres, afin d'y retrouver la source de l'âme profonde et de la fierté de soi ; il s'y pratique partout et par tous, à l'école, dans les clubs de rugby, par les Maori, les métisses, les blancs, les jaunes, les noirs. Il est la quintessence de l'idée de cette nation, son union sacrée, le respect de soi et le respect de l'autre collectivement exprimés.
Alors, lorsque le calendrier des matchs internationaux fait un petit pays des îles polynésiennes - qui ont chacune leur forme de Haka - rendre visite à sa grande cousine, cela peut accoucher d'un spectacle surréaliste, que nous proposa cet avant-match contre l'archipel des Tonga :








Le Haka est l'un des éléments de mon admiration pour les cultures océaniennes, au même titre que l'art du tatouage Maori - si proche de nos motifs celtiques -, les musiques et légendes aborigènes d'Australie, et une enfance bercée par des récits de Tahiti, l'héritage d'un journal quotidien en provenance du paradis terrestre, un tout qui ne saurait pas ne pas se transformer un jour en roman...
Qu'avons-nous à leur proposer nous petits français ? Une Marseillaise, qui est plus un chant de révolte que de révolution, et notre fameux "french-flair" - cette propension à jouer au rugby de façon imprévisible - dont ils sont si respectueux.
Le Haka, sert à prouver le Respect, cet article aussi.

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